Ces 5 dernières années, nous avons assisté avec tristesse et désolation à un bal d’SOS d’artistes de l’ancienne génération croupissant dans des conditions critiques.
En effet, qui ne se souvient pas des cris de détresse de LIZA T, artiste à succès, auteur de plusieurs hits parmi lesquels “associé“, “Nostalgie“, étouffée par un groître très avancé, la réduisant au statut de mendiante des petits farotages des cabarets ? Nous avons encore en mémoire le malheureux cas de MAMA NGUEA, amputée des deux pieds, multipliant incessamment les appels à l’aide pour pouvoir régler les frais d’hospitalisation et frais médicaux. Nous l’avons ensuite vu, bien que sans pieds et agonisante, faire la ronde des cabarets qui voulaient bien l’accueillir, pour faire ce qu’Elle savait faire de mieux, càd chanter, afin de récolter des miettes et survivre. Tout récemment, le cas de MARTHE ZAMBO, auteur du tube “AVEC TOI”, première artiste camerounaise à recevoir un disque d’or français sur le perron de l’Élysée, nous a tous laissé un pincement au cœur. Alors, au vu de tous ces cas, et d’autres, nous nous interrogeons sur les facteurs qui contribuent à légitimer cet état de choses. Pourquoi l’artiste camerounais finit-il toujours sa carrière dans la misère ? Quelles leçons la nouvelle génération doit-elle tirer de ce qui arrive à l’ancienne ? Voilà en somme les interrogations qui constitueront la toile de fond de cette mini analyse.
Nous allons identifier ici deux types de facteurs : ceux qui dépendent de l’artiste et les facteurs exogènes liés à l’environnement culturel camerounais. Au rang des facteurs dépendant de l’artiste, nous avons :
- Le niveau d’éducation scolaire faible d’une grande majorité d’artistes.
Lorsque nous parlons ici du niveau d’éducation faible, les gens ne voient pas tout de suite le lien avec les métiers de l’Art: la musique, la peinture, la danse, la sculpture, l’architecture, le dessin et le cinéma. Mais le fait est que la pratique professionnelle de ces arts intègre un ensemble d’éléments relatifs non seulement au spectacle, mais aussi au Business, ce que les anglo-saxons appellent prosaïquement le “SHOWBIZ“. Or là où nos artistes pêchent, c’est que, n’ayant pas un niveau intellectuel elevé, ils ne comprennent pas la partie business du showbiz, ils n’en maîtrisent pas les vices et les rouages. Nombreux sont ceux qui ne savent même pas analyser les clauses d’un contrat, leur premier et parfois seul objectif c’est de devenir “STAR“. C’est pour cela que très souvent, les producteurs abusent d’eux et deviennent riches en les exploitant.
2. La mauvaise gestion de leurs revenus
Généralement nous artistes dépensent beaucoup plus sur le paraître que l’être. Certes ils ne perçoivent pas les revenus à la hauteur de ce qu’ils devraient, mais le peu qu’ils gagnent ils investissent le tout sur leur image : les vêtements, les chaussures, les voitures, les articles de luxe, la location. Souvent ils dépensent même au delà de ce qu’ils gagnent et vivent dans les dettes toujours pour entretenir leur image.
3. La non planification de leur après carrière.
Nous venons de décrire plus haut le style de vie des artistes camerounais, qui est en même temps un signe de la non préparation de leur après carrière. Le fait est aussi que les artistes ne réalisent pas que le succès c’est pour un temps, il ne dure pas éternellement. Le monde de l’Art est assez dynamique, des nouvelles tendances s’y créent continuellement. Il est donc impératif pour un artiste sérieux d’envisager raisonnablement sa vie après le succès.
Bien! Au delà donc de cette trilogie de causes sus-citées, nous identifions d’autres qui cette fois-ci dépendent du contexte culturel camerounais. Ces facteurs sont :
- L’absence d’une politique de gestion des artistes sur le long terme.
Tel que les choses sont gérées au Cameroun, on a l’impression que les gouvernants n’ont aucune vision pour les artistes: il n’y a aucun travail de détection des talents, encore moins de Formation sur les règles du showbiz, et le suivi des carrières des artistes. Ils sont abandonnés à eux-mêmes, sans aucun encadrement institutionnel. Les lois existent certainement, mais le cadre institutionnel censé garantir l’application des ces lois est quasi-inexistant. Le Ministère des Arts de la Culture n’appuie que lorsque le cas est déjà grave et que beaucoup d’encre et de salive ont déjà coulé.
2. L’éternel désordre dans la gestion des droits d’autres
En cinq ans nous avons connu au moins autant de sociétés de gestion des droits d’auteur que de doigts sur une main. Tantôt la Sociladra, la sonacam… Chaque ministre arrive et crée sa part de société, les droits d’auteur au Cameroun, un éternel recommencement. Les artistes ne bénéficient pas de leur droits. Tenez par exemple, les sociétés de téléphonie mobile qui utilisent les chansons camerounaises pour promouvoir leurs services, reversent-ils les droits d’auteur ? Non! Marthe ZAMBO, souffrant de Diabète aujourd’hui, est en justice seule contre un réalisateur français qui veut utiliser sa chanson “Avec toi” dans un film, normalement c’est le rôle de la société des Droits d’Auteur de lutter dans ce genre de cas pour que l’Artiste gagné ce qui lui revient de droit.
3. La clochardisation de l’artiste camerounais par la société camerounaise et les promoteurs.
La société camerounaise aime certes ses artistes, mais ne les respecte toujours pas pour autant. Les artistes étrangers sont plus adulés que les nationaux. Ceux-ci reçoivent des cachets faramineux alors que les nôtres sont traités comme si on leur faisait une faveur.
Cet analyse n’a pas pour but d’incriminer les artistes ou une entité, mais plutôt d’ouvrir les yeux à la nouvelle génération afin qu’ils ne commettent pas les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs. Nous invitons les jeunes artistes à investir sur des projets rentables sur le long terme, à connaître leurs droits et à savoir se réorienter lorsque la musique ne paie plus, ce n’est qu’ainsi qu’ils éviteront de finir leur vie dans la misère. Nous avons mis un accent sur les artistes Musiciens, mais c’est tout le Secteur Artistique Camerounais qui en souffre, d’où l’urgence d’une prise de conscience collective.